Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/97

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l’enfant blanc et transparent, aux traits effacés, a l’air d’un petit fantôme. Il essaye de tousser, mais il n’en a pas la force ; et, pour protéger contre la lumière ses pauvres yeux trop faibles, on lui a mis — des lunettes noires !


L. — UNE LOGE D’ACTRICE

À la porte de la grande tragédienne Tamnâ, pendant un bon quart d’heure, le général Chanor, ivre de rage, frappe des pieds et des mains comme un sourd, en proférant à demi-voix des jurons atroces. Enfin une fille de chambre vient lui ouvrir, et le général entre furieux dans la loge, comme s’il allait tout égorger ; mais il est stupéfait et ébloui par le sourire ingénu de l’actrice.

Accroupie à terre sur le blanc tapis de velours, Tamnâ fait une partie de piquet avec le grand dramaturge Taravant accroupi comme elle, et dont les bons yeux noirs, la chevelure de nègre dressée vers le ciel et la large face spirituelle aux lèvres écarlates, expriment une tranquille joie. Pour Tamnâ, qui ce soir-là joue Phèdre, elle est vêtue à l’antique, en rouge et rose, avec une très amusante robe japonaise, et parée de joyaux en or léger, parfaitement copiés sur ceux du musée Campana. Son maillot à doigts, d’un rose très pâle, moule gracieusement ses jambes et les ongles de ses petits pieds, et