Page:Banville - Les Belles Poupées, 1888.djvu/136

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lant, disaient : Nous autres. Il était sportsman, cavalier, homme d’épée, amateur d’art, et, comme c’était un point universellement admis, prodigieusement spirituel. Enfin, il savait si bien causer avec les femmes que, lorsqu’il leur donnait la réplique, elles ne disaient jamais de bêtises. Et lorsqu’il fut à moi, les dames jeunes et vieilles, les envieuses, les rivales, les Agnès rêveuses et rougissantes jetaient sur moi des regards qui signifiaient : Celle-là est bien heureuse !

— Mais, dit madame de Cherfix, il me semble qu’elles n’avaient pas tort.

— Ah ! dit la comtesse, des fruits devenus cendre et des louis d’or changés en feuilles sèches, voilà ce que j’avais dans la main ! Un spectre, une ombre, une chimère, un mort déjà plus qu’à moitié endormi, et, qui pis est, un escamoteur, un charlatan, un comédien, voilà qui j’ai épousé ; et ce que j’ai, c’est rien du tout ! Monsieur de Latil est comte, rien de plus vrai ; un de ses ancêtres a été anobli par Henri IV, pour avoir été plus que complaisant dans une histoire d’amour, dont il ne faut pas réveiller le souvenir. Riche, il l’est aussi, mais comme un joueur assis à une table de baccarat, tous ses fonds, réels et chimériques, étant engagés dans des affaires susceptibles de tous