Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/167

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fini sa tâche ! S’il doit peindre encore, ce sera « dans les cieux, » comme le poëte Ronsard.

— Qui sait ? me répondit Vandevelle d’un air de mystère. Si je vous ai prié de venir, si je vous ai fait ce récit aujourd’hui, c’est qu’il y a un grand événement. Voyez cette lettre à aspect bizarre, écrite sur du papier d’office, qui m’est arrivée par la poste ; elle est de Margueritte lui-même ! Tenez, regardez-la ; ne sent-on pas toute la peine qu’il a eue à l’écrire ? Et comme il est facile de deviner les repos qu’il a pris pour aller à l’armoire ! Voyez, au bout de tous les cinq ou six mots, l’encre devient pâle, l’écriture faiblit ; puis elle reprend, hardie et pleine de sûreté. Cette lettre, où il y a en tout dix-huit lignes, est d’un bout à l’autre transcrite avec deux écritures absolument différentes l’une de l’autre, si bien que, pour en donner une idée juste si on la reproduisait par la typographie, il faudrait composer en romain les mots tracés avec une ferme volonté, et en italique ceux qui ont été tremblés par une main défaillante.

Vandevelle me tendit la lettre, et je lus les lignes suivantes, où se mêlaient si étroitement, hélas ! la raison et la folie :

« Monsieur Vandevelle, 15, rue des Saints-Pères, Paris.

« Monsieur, vous avez eu pour moi tant de bontés, que j’ose m’adresser à votre cœur généreux. Ceci est la prière d’un mourant ; vous l’exaucerez, j’en suis certain, car aucune des souffrances de l’artiste ne vous est inconnue, et vous devinerez ce que j’ai subi de luttes intérieures avant de vous demander la seule chose qui puisse me donner ici-bas une heure d’apaisement. Il me faut deux mille francs, et je vous supplie de me les ap-