Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/212

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à une femme de mon âge. Malgré tout, j’aurais gardé mon secrétaire, car j’y tenais comme on tient à sa dernière fantaisie, mais jugez vous-même si cela m’a été possible !

— Bon, m’écriai-je, je gage qu’il vous aura brisé quelque meuble précieux ou quelque vase de vieux Sèvres, pour pasticher Jocrisse.

— Ah ! si ce n’était que cela ! s’écria la marquise. Votre ami, mon cher Léon, annoncé ici comme le fantôme de M. de Lauzun, me disait qu’il était fantaisiste ! et mettait des gilets de cachemire écarlate. Il a absolument refusé d’ouvrir La Gazette, et il me lisait malgré moi un journal qui s’appelle Le Charivari. Enfin, sous prétexte qu’il était mon secrétaire, il prétendait que j’étais obligée d’écouter ses ouvrages, et il m’a forcée à entendre tout un livre qui avait pour titre : De l’inutilité de l’Amour, des Arts et de la Littérature !

En me racontant toutes ces folies, la pauvre marquise avait un sourire triste et semblait désespérer décidément d’un monde où les hommes de vingt ans trouvent l’amour inutile !

Je n’ai pas besoin de vous dire si je me confondis en excuses, et je crois que pour consoler ma vieille amie, je retrouvai dans ma mémoire au moins trois madrigaux inédits de Dorat et de Boufflers !

Mais, une fois sur la grande route, c’est alors que je laissai éclater ma colère et que je fis des serments terribles ! Je jurai que, dussé-je retrouver Jodelet vêtu d’écarlate et de galons, je ne ferais plus rien pour le guérir de sa folie, et que je lui clouerais plutôt moi-même sa livrée sur le corps !

— En effet, dit le peintre à Verdier, il est fâcheux, pour l’intérêt de votre histoire, que vous n’ayez pas à la