Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/259

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et le logement a été loué tout de suite : tiens, à un acteur de ton théâtre, je crois, un chauve, pas jeune !

Certes, lors même qu’une fatalité invincible ne l’eût pas poussée à suivre sa destinée, Minette n’aurait pas reconnu à ce portrait, exact pourtant, le beau Couturier, l’idole de sa secrète passion.

— Ainsi, reprit-elle avec un air de doute, c’est bien vrai, mes parents sont morts ? C’est-à-dire, n’est-ce pas, que je ne les reverrai jamais ?

— Hélas ! dit Lefèvre, tu n’as plus d’autre famille que nous, ni d’autre maison que la nôtre. Mais viens, ma femme t’attend.

Ils montèrent les quelques marches et entrèrent. Madame Lefèvre vint au-devant de Minette, qui fondit en pleurs, car, en voyant sa maîtresse d’apprentissage, elle retrouva mille souvenirs de son enfance et de sa mère. La brodeuse fit à Minette un excellent accueil, et lui montra toute la bienveillance possible. Son mari avait tellement insisté auprès d’elle et auprès des ouvrières sur les recommandations du médecin, qu’il ne fut fait de près ni de loin aucune allusion à l’événement tragique par lequel avait péri Adolphina. Madame Lefèvre était d’ailleurs une très-bonne femme, n’ayant qu’un seul défaut, celui d’aimer l’argent avec idolâtrie ; et encore cette passion était-elle excusable chez elle, car elle avait deux fils, pour lesquels elle rêvait un bel avenir ; aussi comprenait-on la rapacité avec laquelle elle essayait d’entasser un trésor sou à sou.

— Ma petite, dit-elle à Minette, ici tu ne rouleras pas sur l’or, mais du moins tu ne seras ni injuriée ni battue. Tu auras pour te nipper tes petits appointements du théâtre, dont tu disposeras à ta guise. En attendant, voici un peu d’argent qui te revient sur la vente. Tu es