Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/273

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et enfin, elle parla : — Raoul, dit-elle, tu sais combien je respecte ta liberté. Je ne veux avoir des mères que la tendresse. Mais ne dois-je pas aussi partager tes peines, moi qui t’ai dû toutes mes joies ?

Et en parlant ainsi, madame de Créhange priait si bien, avec le regard et la voix, qu’elle était irrésistible. Elle continua. — L’amour, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit le jeune homme d’une voix altérée. Oh ! ma mère ! ma mère ! ajouta-t-il avec des sanglots, ayez pitié de moi ! si vous saviez comme je souffre !

Raoul semblait près de succomber à son émotion, ses yeux secs le brûlaient. Mais enfin, il put pleurer ; il baissa la tête et versa des torrents de larmes. Quand il revint à lui, il appuya son front dans ses deux mains, et s’écria au milieu de ses sanglots :

— Sylvanie ! Sylvanie !

Madame de Créhange prit la tête de Raoul dans ses mains, et à plusieurs reprises lui baisa le front avec une terreur folle.

— Malheureux enfant ! s’écria-t-elle. Madame de Lillers ? Ah ! mieux vaudrait une courtisane ! elle n’a pas de cœur !

Madame de Créhange n’osait rien dire pour consoler Raoul ; elle voulut du moins pleurer avec son fils. Elle pleurait et leurs larmes se mêlaient dans le silence.

On frappa à la porte. C’était Julien de Chantenay, le meilleur ami de Raoul de Créhange et de sa mère. Raoul essuya ses larmes et s’enfuit précipitamment.

— Julien, Julien, dit madame de Créhange, voyez mon pauvre enfant ; oh ! comme il est malheureux ! il aime…