Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/290

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s’habillèrent à la hâte, prirent leurs fusils, et marchèrent en courant follement, riant et causant comme deux écoliers, jusqu’à la belle forêt de Grosbois.

La nature en s’éveillant semblait toute nouvelle à Raoul. Les arbres et les gazons avaient ravivé leurs émeraudes à quelque soleil inconnu ; les perles et les diamants de la rosée jetaient des feux plus splendides dans leurs montures de boutons d’argent et de chrysanthèmes ; comme des miroirs, les ruisseaux murmurants et les myosotis de leurs rives s’emplissaient de l’azur du ciel ; dans les bosquets et dans les antres tapissés de lierre, au fond de toutes les solitudes, Raoul écoutait bruire et s’agiter doucement tous les bruits mystérieux des églogues de sa jeunesse. Les petits oiseaux chantaient à son oreille ce que l’amour chantait dans son cœur. Il n’y avait pas de petite fleur humble et cachée qui n’eût quelque grand secret à lui dire.

Je ne sais combien d’heures les deux amis coururent ainsi au hasard, laissant leurs âmes s’éparpiller à toutes les harmonies de cette forêt silencieuse. Ils ne se parlaient pas, mais ils avaient les mêmes pensées. Raoul était heureux, et Julien était heureux du bonheur de Raoul. C’était une extase. Mais le bruit d’une voix rompit ce charme.

C’était près d’une clairière entourée de taillis et jetée comme un oasis au milieu du bois touffu.

Sous un chêne centenaire, dont les pieds se cachaient sous la mousse et la verdure, madame de Lillers, en robe blanche, les regards au ciel, était étendue. Armand de Bressoles, couché à ses pieds, les yeux mouillés de pleurs, tenait la main de Sylvanie, et lisait à haute voix La Tristesse d’Olympio.

Raoul sentit tout son sang monter à ses joues. Ses yeux