Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/295

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bien : je n’aime que ma mère ! Et quand le prêtre l’eut quitté, quand son âme errante voltigeait déjà sur ses lèvres, il ne m’a dit que ces mots : — Julien, ma mère ! Il a appuyé sa tête sur ma poitrine, il a contemplé mes traits avec une expression d’une suavité infinie, et il s’est endormi sous mon baiser.

» Ô noble et chère victime ! encore une fois, pardonnez-moi de ne l’avoir pas sauvé, de n’avoir pas su vous le rendre. Tout ce qui est humainement possible, je l’ai fait ; mais mon âme est pleine de remords. Si je sens encore en moi quelque énergie, c’est que je dois accomplir les démarches nécessaires pour pouvoir ramener près de vous les restes bien-aimés de Raoul. Je me repens, je m’accuse et je me désespère ; je sens en moi comme un désert immense et aride dont rien ne rafraîchira la morne angoisse, priez pour nous deux ! »

Dès qu’elle vit les premières lignes de cette lettre, Sylvanie de Lillers devint blanche comme un linge et se sentit chanceler. Pour achever la poignante lecture, elle dut s’accrocher à un meuble, et quand elle eut fini, une sueur froide ruisselait sur son visage. Elle voulut parler, mais aucune parole ne sortit de ses lèvres ; elle ne put que jeter vers madame de Créhange un regard suppliant et passionné.

La désolée Noémi tira de son sein un médaillon qui contenait une boucle de cheveux. De ses doigts crispés, elle la sépara en deux et en tendit la moitié à madame de Lillers, en détournant la tête.

— Tenez, lui dit-elle.

Julien est revenu et console madame de Créhange avec l’affection mélancolique d’un amant et la tendresse soumise d’un fils. Il ne parlera jamais de son amour.

Souvent ils vont ensemble à l’Opéra, et cachés dans