Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/309

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lord Sidney en se tournant vers Régine. Pour aller droit au but, je m’adressai tout de suite à la femme qui dans toute l’Europe coûtait le plus cher, et je la couvris littéralement de diamants.

Devenue, par l’étrange folie d’un vieillard, femme d’un duc et pair d’Angleterre, cette femme célèbre suivit son mari à Constantinople : deux jours après son départ, je reçus mes diamants changés en un bouquet colossal par un artiste plus grand que le florentin Cellini. Les diamants sont d’un grand prix ; mais aucun roi de l’Europe ne pourrait en payer la monture.

— Ah ! milord, dit Régine, vous êtes le premier homme qui m’inspiriez de la curiosité.

Lord Sidney salua modestement.

— Je ne vous rappellerai pas, reprit-il, l’épisode trop connu de mes amours avec la fille naturelle d’un roi que j’ai aimée jusqu’au désespoir, et qui est morte à vingt-deux ans d’une maladie de langueur, en me faisant l’héritier de tous ses biens. Je me bornerai à vous dire, pour terminer ce trop long récit, qu’une dernière fois, en désespoir de cause, j’éparpillai mon absurde opulence sur les navires de tous les armateurs anglais, avec mission de la risquer dans les entreprises les plus téméraires et sur les mers les plus périlleuses.

Mais la mer ne voulut pas de mes chaînes ; elle me les rendit plus lourdes que jamais. À présent mon parti est pris ; je suis résigné à l’impuissance et à l’ennui.

À la fin de cette histoire, que les convives n’avaient pas osé interrompre autrement que pour boire comme des cordeliers, un éclat de rire homérique ébranla la salle des Titans.

Roger-Bontemps tapait son couteau sur son assiette en ouvrant jusqu’aux oreilles une bouche démesurée,