Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amitié qui sera la haine et la honte de tout le reste ! Puisqu’il le faut, nous irons à l’hôtel des Princes, à l’hôtel de Paris et à l’hôtel de Castille, mais toutes deux, mais ensemble, Paule et Lucile, et après, dans une joie ineffable, nous oublierons ensemble ces heures affreuses ! » Non, ceci est encore un rêve. Paule aime les hussards, elle est infidèle, elle est jalouse, elle est sotte, elle écrit des lettres anonymes, elle fait des mots ; c’est une admirable poupée, pas autre chose, et, un jour ou l’autre, elle va se marier avec un marchand de cuir bouilli ou un courtier-marron. On l’avait crue exaltée et bizarre, et elle n’était que vicieuse. Elle a voulu avoir les robes d’Impéria, l’esprit de madame de Sévigné, les joyaux de Cléopâtre, les vices de Clonarium, de Lééna et de Mégilla la riche Lesbienne, et elle a fait tout cela par à-peu-près, comme les calembours ; elle n’a pas su être femme, elle n’a pas su être artiste, elle n’a eu que les robes à soixante francs le mètre, l’esprit du Tintamarre, les bijoux de Rudolphi, les vices de Marco ! Elle a fait des dettes sottement, avec une maison mal tenue : elle a galvaudé sa beauté, elle a vécu avec des gens du monde sans apprendre l’élégance ; elle n’a rien là ; elle n’a pas même su aimer Lucile, qui avait dans le cœur des trésors d’amour que nul n’a soupçonnés. À présent, elle a envie d’avoir à Sceaux une maison de campagne avec un jet d’eau tombant sur des lys en zinc, et de pouvoir dire : « Mon mari » à un homme décoré. Dans son beau temps, elle était sotte avec un semblant d’esprit ; à présent, elle est idiote. Et voilà quelle était la dernière ressource de Lucile, et son dernier espoir et sa dernière branche de salut ! Ô malheureuse, malheureuse, misérable Lucile ! Elle ne sait plus rien et elle ne croit plus à rien. Elle croit que Dieu la repousse et elle ne s’aime pas elle-