Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/37

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d’empoigner, d’entasser, d’empiler l’or, l’argent, le cuivre monnoyé, les billets de banque, les bons au porteur, les coupons d’action, les promesses d’action, les coupons de rente, les créances, les titres, les valeurs, les champs de blé, les arpents de forêts, les vergers, les jardins, les coteaux de vignes, les droits d’auteur et le laurier d’or, le prix de la copie et le salaire du travail manuel, tout ce qui se vend, tout ce qui se place, tout ce qui s’escompte, tout ce qui se négocie et ce qui se monnoie, depuis les millions de l’Usure jusqu’aux quatre sous de la Poésie lyrique, depuis les baisers de la Torpille, qui valent mille écus la pièce, jusqu’aux paillettes d’Arlequin, qui se vendent vingt-cinq sous le mille au passage de l’Ancre !

Tous s’appliquent à devenir riches. Et puis ? Et puis, rien. Seulement, voici justement le point important et la différence capitale, cette Chimère aux ailes chatoyantes, si désespérément poursuivie dans une chasse enragée ; la divine et céleste Opulence que deviendra-t-elle entre les mains de celui qui parviendra à accrocher un mors de diamant dans sa bouche sanglante ? Aura-t-elle là-bas ou ici la même destinée ? Voilà où l’erreur serait grossière !

En province, la richesse est le but ; à Paris, elle est le moyen. En dehors des fortifications, on s’enrichit pour pouvoir dire : « Mes forêts, mon château, mes vignes ! » A Paris, ce qu’on veut pouvoir dire, c’est… mais ceci demande une autre explication.

O spectateur de ce beau drame shakspearien aux cent actes appelé la Vie Parisienne, Paris vous trompe et se trompe lui-même ! Vous le croyez occupé de chanter, de penser, de travailler, de rebâtir ses palais, de tendre des fils électriques dont l’autre bout ira s’attacher sur les