Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/56

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toutes les coiffures et toutes les perruques, depuis le tignasse rouge du petit paysan, jusqu’aux diadèmes de diamants attachés sur les Sévignés vaporeuses si bien exécutées par M. Auguste ! Et faite ! si mince et hardiment svelte que, sans ses bras et ses épaules, les gens qui n’y voient pas auraient pu la croire maigre, véritable fortune au théâtre ! Mais en réalité, si elle eût été accusée de quelque chose devant un aréopage quelconque, son avocat aurait pu, comme celui de Phryné, lui déchirer éloquemment sa robe, et découvrir un sein pareil à celui que montre le portrait connu d’Agnès Sorel. J’ajouterai un détail inouï pour ceux qui connaissent la difficulté d’habiller une actrice. Dans son Catilina, M. Dumas avait donné à Berthe un rôle de jeune esclave grec, et son costume se composait uniquement de ceci : un maillot de soie à doigts avec des cothurnes de pourpre, une tunique et un manteau, un bonnet phrygien, et voilà tout ! Pas l’ombre d’un jupon, ni d’un corset, ni d’une brassière, ni d’une ceinture ! Faites le tour des théâtres de Paris et de la banlieue, y compris le théâtre Séraphin et l’École Lyrique, et si vous trouvez deux comédiennes qui puissent en faire autant, vous étonnerez plusieurs personnes ! Vous pensez qu’une femme bâtie de la sorte ne devait guère connaître la Mélancolie ; aussi Berthe pouvait-elle dire de ce doux et pâle génie couronné de violettes, comme Sosthènes de Pagnani : Je ne sais pas où il demeure !

» Sans doute, vous me demanderez où je veux en venir avec cette photographie de Berthe, et quel fut le mystère de son existence, car il est entendu qu’une existence n’a pas besoin d’être racontée si elle ne cache aucun mystère. Il y en avait bien un ! j’y arrive, et c’est précisément ce qui m’embarrasse. D’abord, pour achever le