Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/71

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l’histoire de sa vie, mais quelques-uns de ses mots, devenus célèbres, suffiront à donner une idée de ce qu’elle est comme jeune demoiselle idiote.

C’est à elle que va comme un gant la comparaison homérique : Elle s’avance, pareille à une oie grasse ! La lumière étonne ses beaux yeux, l’air étonne ses lèvres suaves, la brise étonne ses cheveux, et ce qu’elle porte surtout avec étonnement ce sont les trésors de son riche corsage ! Un homme maigre qui sentirait tout à coup pousser et poindre sur sa poitrine ces monts de neige animés et de marbre vivant ne les porterait pas, à coup sûr, d’une manière plus gauche et plus embarrassée. Les seuls cas où Galatée ne puisse pas s’étonner, ce sont ceux où il faudrait pour cela assembler deux idées. Alors elle est comme une pierre, ou comme est au Festin de Pierre la statue dont parle Boileau ! À ce sujet, on cite au théâtre des anecdotes dont le seul récit encourage tous les étrangers à prendre les Français pour des menteurs. Une fois, pendant une répétition, un rideau de fond se détacha des cintres et tomba avec un bruit effroyable ; une autre fois, six fusils chargés pour une répétition générale devant l’inspecteur des théâtres, partirent par accident. On sait ce que sont ces violentes surprises, qui arrachent un mouvement d’effroi aussitôt réprimé à l’homme le plus brave et le plus sûr de lui-même.

Irma seule ne bougea pas, ne tressaillit pas, ne se retourna pas. Il lui avait été absolument impossible d’associer l’idée de bruit à l’idée de danger, semblable en cela au bouillant Ajax ! Pour elle, comme pour toutes les moissonneuses de bluets qui sont entrées demoiselles de comptoir dans le magasin de Thalie, le jour arriva, il arrive toujours ! où elle laissa effeuiller la blanche couronne qui lui tombait jusque sur les yeux, par les mains