Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/73

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— Non, fit le dandy, à vingt lieues seulement.

— À vingt lieues ? alors vous devriez bien vous charger d’une lettre pour V…, il y est. (À vingt lieues !)

Après celle-là, faut-il tirer l’échelle ? Non.

Visiblement troublée depuis longtemps par quelque chose qui lui était inconnu, Irma se décida enfin à éclaircir ses doutes en s’adressant à mademoiselle O…

— Quel est donc, lui dit-elle, ce martyr dont le visage a une expression si divine, et qu’on voit chez tous les marchands d’images, les mains clouées sur une croix ?

À cette question prodigieuse, mademoiselle O…, épouvantée, effarée, atterrée, faillit tomber à la renverse.

— Voyons, demanda-t-elle à Irma en la regardant entre les deux yeux et sans pouvoir dissimuler sa stupeur, est-ce que tu n’as pas fait ta première communion ?

— Eh bien ! qu’est-ce que tu as à présent, s’écria mademoiselle Caron en se mettant à pleurer ; si, je l’ai faite ; mais il y a si longtemps ! je ne me rappelle pas ce qu’on m’a dit !

À cela ajoutez une seule touche. Ainsi que je l’ai constaté plus haut, Galatée, qui de son vrai nom se nommait Juliette Caron, a volontairement, spontanément, sans que rien l’y forçât, changé ce nom en celui d’Irma Caron. Se complaît-elle dans l’admiration du jeu de mots abominable et ingénu que forme cet assemblage de syllabes, ou n’en a-t-elle pas eu conscience ? À cela, on peut faire la réponse du sergent Pilou : Ce sera éternellement un secret entre Dieu et elle !

Maintenant, qui étonnerai-je (pas Balzac assurément, s’il était vivant !) en disant qu’avec cet esprit-là mademoiselle Irma Caron, qui n’a pas vingt-trois ans, a déjà gagné trente bonnes ou mauvaises mille livres de rente ? Notez d’abord qu’elle possède une des plus jolies tantes