Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/133

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au masque de fer. — Passé les âges homériques, ce n’est plus au poëte qu’il appartient d’expliquer les sciences et les métiers. Si les vases de terre que pétrit le potier primitif sont à la fois utiles et beaux, — dans les âges héroïques et religieux, tout ce qui est utile est beau en même temps, — cela ne doit pas nous entraîner, dans une époque de civilisation complexe, raffinée et matérialiste, à choisir, pour y cuire notre soupe, une coupe d’or précieusement ciselée par Benvenuto. Le vers et la prose ont alors chacun leur domaine, parfaitement séparé, délimité et défini. Chacun son métier, c’est, hélas ! la devise obligatoire des époques où la science imparfaite a remplacé le pur, complet, sublime et impeccable instinct du beau, et où par conséquent les arts et les métiers ne sont plus une seule et même chose.

l’épopée et le poème proprement dit.

L’Épopée est un poëme de création essentiellement collective, né pour ainsi dire dans la conscience d’un peuple, exprimant dans leur beauté primitive les origines de sa religion et de son histoire, et qu’après le peuple qui l’a inventé, un grand poëte, tâchant de se mettre en état de grâce, c’est-à-dire de retrouver l’instinct, la naïveté première, revêt de sa forme définitive.