Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus reparaître, sont infinies. Regardez, mais n’y touchez pas !


Ne nous flatons donc point ; voyons sans indulgence
          L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons ;
          J’ai dévoré force moutons ;
          Que m’avoient-ils fait ? nulle offense :
Même, il m’est arrivé quelquefois de manger
                              Le Berger.
Je me dévoueray donc, s’il le faut : mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moy :
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
          Que le plus coupable périsse.

La Fontaine. Les Animaux malades de la peste. Fables, Livre VII, I.



III. Si Alfred de Musset n’a pas inventé de disposer capricieusement, et sans règle fixe ou du moins apparente, les vers alexandrins, il s’est du moins si bien approprié ce rhythme qu’il en a fait à jamais sa chose. Ce genre de vers libre se prête aux effets les plus variés et à de magnifiques déploiements de force et de grâce ; mais, s’il faut révéler ici le secret de la comédie, il est bien moins difficile qu’il n’en a l’air, et un simple mortel peut s’aventurer là sans risquer le sort d’Icare. Musset en a fait d’ailleurs un emploi merveilleux. Qui ne se rappelle l’admirable début de Rolla ? On croit entendre s’éveiller confusément les harmonieuses voix d’une symphonie :