Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commencement. Je n’insiste pas, ayant dit et répété à satiété que la forme de tout poëme, avec ses détails et ses rimes, doit avoir été trouvée d’un coup par le poëte, — qui, sans cela, n’est pas poëte.

Sans même tenter d’expliquer, à la façon des mythographes, pourquoi Victor Hugo n’a publié aucun Sonnet jusqu’à cette heure[1] (1871), je me suis attardé sur le Sonnet qui en vaut bien la peine, et je parlerai très-rapidement des autres poëmes à forme fixe, car je dois me souvenir que j’écris un manuel d’écolier et non un livre de critique.

Le Rondeau. Boileau a décrit le Rondeau avec la plus excessive, sinon avec la plus heureuse concision, en disant, Art Poétique, chant deuxième :


Le Rondeau, né gaulois, a la naïveté.


Ce qui prouve qu’en vers il faut se défier de la troisième personne, trop commode à placer, de l’indicatif présent du verbe avoir. Le Rondeau n’a pas que la naïveté ; il a encore la légèreté, la rapidité, la grâce, la caresse, l’ironie, et un vieux parfum de terroir fait pour charmer ceux qui aiment notre poésie (et en elle la patrie) à tous les

  1. Depuis la première publication de cet opuscule, il en a écrit un pour Madame Judith Gautier : Ave, dea, moriturus te salutat. Le Livre des Sonnets, chez Alphonse Lemerre, 1873.