Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/274

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a toujours été non -seulement mal comprise, mais retournée, La Forme qui se présente à ton esprit est toujours la Forme d’une Pensée ; mais un homme qui pense en mots abstraits n’arrivera jamais à traduire sa pensée par une forme. Tout au plus l’emprisonnera-t-il dans un lieu commun !

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Sois varié toujours et sans cesse; dans la poésie comme dans la nature, la condition première et indispensable de la vie est la variété. Mais n’abuse pas, et je dirais presque, n’use pas — de l’antithèse. Pour comprendre à quel point c’est un moyen grossier et trop simple, rappelle-toi que tous les arts sont absolument similaires , et régarde quel effet en obtient en peinture avec l’antithèse nette, crue et réelle ! Je dis : réelle, car tu peux, par un artifice, présenter l’apparence d’une antithèse, mais qui en effet sera adoucie par toutes sortes de préparations et de ménagements. Au contraire les similitudes, les gradations, les gammes de couleurs et de sons pareils sont le dernier mot de l’art ; mais avec quelle délicatesse il faut toucher à ces effets, qui veulent une touche magistrale !



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