Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rhythmes d’ode ; à peine avons-nous retourné, défiguré, inutilement modifié ses créations savantes. Bien plus, nous n’avons même pas su nous approprier toutes les coupes de ce grand métrique ; beaucoup de ses strophes, et des plus belles et des plus riches en effets harmoniques, ont été abandonnées à tort ou par impuissance, car il est plus difficile qu’on ne pense de toucher adroitement à ces armes si légères ! On sait que le prince des poètes décréta la suppression de l’hiatus et l’entrelacement régulier des rimes masculines et féminines ; mais, par malheur, on a été plus royaliste que le roi en se privant de certains rhythmes exquis, ou composés seulement de rimes d’un seul sexe, en offrant des rencontres de rimes diverses du même sexe. On est devenu timoré, hésitant, timide, faute d’habileté. En ouvrant le livre des Odes, ne croit-on pas entrer dans un de ces ateliers d’orfèvres florentins où les buires, les bassins, les amphores, les chandeliers fleuris, les élégants poignards accrochent la lumière sur les fins contours de l’or ciselé ? Mais Ronsard ne nous a pas donné que des rhythmes ! Il nous a appris, et le premier de tous depuis les anciens, que la poésie peut arrêter des lignes, combiner des harmonies de couleur, éveiller des impressions par les accords des