Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/321

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pouvant l’attaquer avec le bras d’Hercule, mais n’entendez-vous pas le cri de sa haine dans ces paroles amères :


Les grands se font honneur alors qu’ils nous font grâce :
          Jadis l’Olympe et le Parnasse
          Étaient frères et bons amis.


Ce mont sacré, coupé de sources vives, où les Muses étaient les égales des Dieux, La Fontaine le voit sans cesse, et s’il flatte, c’est comme un de ces rois d’Homère, exilés et mendiants, qui se souviennent du trône en s’inclinant devant un seuil étranger. Louis XIV, lui, ne s’y trompa jamais, et ce n’est pas par hasard qu’il se faisait le protecteur de Boileau contre La Fontaine. Tous deux, le roi et le poëte, avaient un instinct vif et sûr de leur personnage; pour Louis, le fabuliste était l’incarnation de l’aristocratie populaire du génie ; pour La Fontaine, le Roi-Soleil sur son trône pompeux était l’ennemi né et nécessaire de la pensée, l’admirateur de Voiture et des ballets royaux, malgré son apparente prédilection pour Molière et Racine. Il en est de l’égoïsme de La Fontaine comme de ses flatteries : voyez, dit-on, comme il proclame le règne de la force, la toute-puissance de l’or, la nécessité pour le petit de se faire humble et de se soumettre ! Oui, sans doute, en apparence du moins, l’or et la force gouver-