Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/323

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avec bonne humeur, tout naïvement ; ce sont des marionnettes vicieuses, non pas des marionnettes scélérates comme celles de son voisin. Après avoir lu le livre des Maximes, on est tenté de faire comme Alceste, de rompre en visière à tout le genre humain ; en quittant le livre des Fables, nous sommes entraînés malgré nous à jeter les yeux sur la besace de derrière pour y voir un peu nos défauts, après avoir complaisamment regardé les défauts d’autrui dans la besace de devant. L’un est un maître qui nous châtie, l’autre un père qui nous aime et à qui nous sommes reconnaissants de nous avoir réprimandés, car il mêle toujours à ses leçons un sourire ou une larme. Il aime tant le petit, le pauvre, le faible ! Il est si bien pour l’escarbot contre l’aigle, pour le moucheron contre le lion ; et quel attendrissement dans ce brin d’herbe jeté par la colombe pour sauver une fourmi !

Voici le théâtre, un théâtre où le rideau ne se lève jamais, et où il est toujours levé sur le décor vaste, immense, infini, varié, contenant le champ, la maison, la rivière, la forêt, le buisson touffu, le ciel même, le logis de Jean Lapin comme celui de Jupiter, la caverne du prince brigand et la maison de l’homme, car chacun ici jouera son rôle au naturel, le monarque convoquant ses su-