Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/19

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niais disent même improbable, parce que ce hideux changement du cœur d’une femme a lieu dans la courte durée d’une scène, ce qui est, selon moi, une vérité de plus ; oui, c’est abominable et affreux, mais c’est beau de vérité humaine, profondément, cruellement, effroyablement beau, et la vérité et la beauté, en quelque genre qu’elles soient, ne sont point retranchées ni abolies par le Catholicisme, qui est la vérité absolue. Et, remarquez bien ! Shakespeare ne dogmatise pas. Il expose. Il ne dit pas ou ne fait pas dire au spectateur : « Richard III a raison. Cette femme qu’il séduit sur le corps chaud de son mari assassiné a raison de se laisser séduire par le beau-frère assassin que voilà roi. — Non ! il dit : « Cela est, » et avec la superbe impassibilité de l’artiste, qui est quelquefois impassible, il le fait voir, et d’une façon si puissante que le cœur s’en tord dans la poitrine, et que le cerveau en est frappé comme d’une décharge d’électricité foudroyante.

Eh bien ! descendez de Shakespeare à tous les artistes, et vous avez le procédé de l’art que le Catholicisme absout et qui consiste à ne rien diminuer du péché ou du crime qu’on avait pour but d’exprimer.

Mais il y a plus, et le Catholicisme va plus loin encore. Quelquefois le vice est aimable. Quelquefois la passion a des éloquences, quand elle se raconte