Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/31

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à leur vie, les jeunes filles ne peuvent marquer leur fierté que dans les détails. Hermangarde ne demanda donc point qu’on eût pitié d’une attente trompée en lui permettant de la prolonger. Si sa grand’mère avait été seule, peut-être aurait-elle insisté ; mais Mme  d’Artelles était là. Elle ramassa lentement sa tapisserie, la plia plus lentement encore, sonna sa femme de chambre d’un bras paresseux. Elle gagnait du temps à être lente, mais le temps inexorable devait passer… passer en vain. Elle embrassa Mme  d’Artelles, puis sa grand’mère, qui lui prit les tempes par-dessus ses bandeaux dorés, en lui disant avec une gaieté qui était aussi une mélancolie :

« Repose en paix, ma pauvre fille ; tu as pour toute ressource de le bien bouder demain.

— C’est une ressource dont elle n’usera pas, — dit la comtesse quand la jeune fille fut partie. — Elle l’aime, hélas ! bien trop pour cela. Réellement, je suis effrayée de cet amour, ma chère marquise. Il est trop violent.

— C’est de l’effroi de trop, comtesse, — répliqua la marquise. — Quel danger y a-t-il à aimer bien fort l’homme qu’on doit épouser dans un mois ?

— Eh ! eh ! — dit la comtesse, — il y a toujours du danger à aimer un homme. Nous ne