Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/32

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sommes pas vieilles pour rien, ma chère, et vous devriez savoir cela. L’amour, n’importe pour qui, est un jeu terrible, mais c’est presque une partie perdue quand l’homme qui l’inspire ne présente pas plus de garanties de caractère que votre futur petit-fils.

— Vous lui en voulez donc beaucoup ? — répondit la marquise avec un reproche moqueur.

— À lui, ma chère ? — dit la comtesse. Non, certes, ce n’est pas à lui que j’en veux ! Mais lui, il fait son métier d’homme. Il joue sa comédie de sentiment ; il flatte, il rampe, il éblouit, il fascine. On s’y prend ; les jeunes filles et même les mères. Seulement, les grand’mères ne devraient-elles pas un peu se sauver de la séduction universelle ?

— Il paraît donc que je suis plus jeune que mon âge, — dit Mme  de Flers avec son imperturbable bonne humeur, — car j’ai été prise comme les autres, et tellement prise, ma très chère belle, que toutes vos prétentions sinistres n’ont pas pouvoir de m’effrayer.

— Quoi ! — répondit Mme  d’Artelles, en montant sa voix d’une octave, — à la veille de marier cette chère enfant, vous n’éprouvez pas la moindre anxiété, le moindre trouble ?

— Je n’ai jamais été plus calme, — répondit Mme  de Flers, majestueuse d’ironie.

— Alors, ma chère, — s’écria Mme  d’Artelles