Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/48

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dans Paris a seule égalé, mais non surpassé. Ce fut là son unique hypocrisie. Aussi l’histoire de sa jeunesse est-elle un magnifique fragment d’une Imitation qu’il serait bon de donner, dans l’état actuel de nos mœurs, à méditer aux jeunes personnes. Tout le monde y gagnerait, même les maris.

Le sien, le marquis de Flers, écuyer cavalcadour de Marie-Antoinette et très lancé dans la coterie des Polignac, l’avait épousée à sa sortie du couvent. Lui qui par l’âge eût été son père et qui semblait devoir être invulnérable à tous les enchantements possibles, puisqu’il avait bu à la coupe de la Circé du temps, la comtesse Jules, cette reine de la Reine, aima, jusqu’à l’adoration, une enfant élevée aux Ursulines. Sortie de son parloir à quatorze ans, traînant sa poupée par la manche et regrettant sa récréation, pour aller à l’autel et à la Cour, cette folle fillette s’improvisa femme du matin au soir, ou peut-être du soir au matin, et tout le temps qu’il vécut elle asservit le marquis à ses caprices. Elle qui sentait sa force, la voila. L’aima-t-elle ? Il le crut et jamais illusion plus savante ne fut plus complète. Elle le traita comme ce féroce enfant athénien traita son moineau. Elle lui creva les yeux… mais sans lui faire le moindre mal, afin qu’il ne la vît pas se servir des siens. Elle trompa son