Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/51

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toinette de Flers, vicomtesse de Polastron, blonde et jolie comme sa mère, — moins la vie, moins cette flamme allumée aux candélabres de la Cour de France et qui ne brilla plus après 1800, — brisée de la mort de son mari, mourut en accouchant d’Hermangarde. C’était la première peine qui entrât dans le cœur de la marquise. Mais, comme ces dards qui fixent aux flancs entr’ouverts du taureau une banderole de pourpre, en y entrant, elle y mit un amour superbe, — l’amour de la grand’mère pour l’enfant resté orphelin.

Sa première communion faite, au Sacré-Cœur, sa petite-fille ne la quitta plus. Elle fut élevée à côté d’elle, en héritière de quatre-vingt mille livres de rentes. Éducation qui consista surtout à vivre dans le rayonnement de cette marquise demeurée si grande dame, quand il n’y a plus que des naines comme il faut dans notre société nivelée et décapitée de toute grandeur. Hermangarde apprit plus en voyant les dernières années de sa grand’mère qu’en passant par toutes les filières des éducations fortes, comme on dit si plaisamment maintenant, et qui ne sont que les infirmeries de la médiocrité. Femme de haute origine, Mme de Flers avait l’instinct des mystérieux privilèges des races. Elle savait que tout ce qui est supérieur s’élève de soi vers le grand et le beau, en vertu d’une force