Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/61

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lette de Rubens. Ce bouillonnement d’un sang qui arrosait si mystérieusement ce corps flave, et qui trahissait tout à coup sa rutilance sous le tissu pénétré des lèvres ; ce trait héréditaire et dépaysé dans ce suave et calme visage, était le sceau de pourpre d’une destinée.

Il disait bien que cette femme frêle à qui les poètes eussent attaché par la pensée sur le front de mystiques bijoux, comme le béryl ou la cyanée, et aux épaules la tunique d’hyacinthe, appartenait dans son corps autant que dans son âme au double amour qui n’en est qu’un seul. Un tel signe n’avait pas menti. La passion de Mme  de Mendoze pour M. de Marigny et dont cette Italienne manquée n’avait pas su faire une relazione de plus d’un an, eut toute l’insouciance d’un malheur suprême après avoir eu toutes les imprudences d’une félicité sans bornes. La comtesse s’était doublement affichée. On la recevait toujours, à cause du rang qu’elle tenait par sa famille en France et par celle de son mari en Espagne (elle était alliée aux Médina-Cœli), mais l’opinion ne lui marchandait pas les cruautés. Elle les brava comme une plus fière, non par hauteur de courage, mais par entraînement aveugle et fatal ; parce qu’elle ne pouvait rencontrer son ancien amant que dans ce monde qui la flétrissait tout en restant poli pour elle. Elle y allait donc, pous-