Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

secret dans le mouchoir dont elles rougissaient les dentelles.

« C’est beau, malgré tout, qu’une passion pareille ! — dit près d’Hermangarde la même voix qui avait parlé. — Elle est mourante, cette petite femme-là. Tenez ! voilà que le sang l’étouffé. Regardez son mouchoir, Thadée ; mais, bah ! elle n’y prend seulement pas garde, et tout le temps que Marigny sera là, elle n’est pas femme à s’évanouir. »

Cette, scène rapide, d’un tragique simple comme nos mœurs, auxquelles les convenances dessinent un cadre si étroit, donna à la belle Hermangarde le frisson d’une émotion inexprimable. La marquise de Flers, qui le vit passer sur ses épaules, la gloire et l’orgueil de sa vieillesse maternelle, craignit que sa petite-fille n’eût froid et lui jeta, en souriant, l’écharpe oubliée au dos du fauteuil. Quant à M. de Marigny, c’était à son tour de regarder. Parmi tous ces fronts chargés de diadèmes ou de fleurs, il avait aperçu le front nu et pur d’Hermangarde. Ses cheveux blonds relevés droit sous le peigne découvraient des tempes divines de transparence et de fraîcheur. Marigny, malgré l’expérience de sa vie et les musées de sa mémoire, n’avait rien vu d’aussi saintement beau que Mlle  de Polastron. Une pulsation de dix-huit ans rajeunit son cœur