Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/150

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entendait, dans la nuit, la générale battant sur tous les points d’Avranches, entrecoupée du cri bref : Aux armes ! La garde nationale, la gendarmerie, avaient voulu, comme les Bleus, pénétrer jusqu’à l’endroit où l’on s’égorgeait, mais, comme les Bleus, elles avaient trouvé l’invincible résistance de ce monde aggloméré, pressé et trop épais pour qu’on pût s’y faire un passage… à moins de tout massacrer. Cette circonstance que les Douze avaient prévue et calculée, et qui les avait protégés jusque-là contre la baïonnette et la fusillade, allait cependant se retourner contre eux. Pris dans ces cercles redoublés d’une foule qu’ils échancraient à coups de fouet et de bâton, qu’ils élargissaient, mais qu’ils ne brisaient pas comme on brise un cuvier dont on abattrait les douvelles, ils ne pouvaient ni faire retraite ni s’égailler. Et c’était là l’anxiété de M. Jacques. Tapi à terre sous la poterne, il grimpa dans les vieux lierres qui couvraient les murs de la prison jusqu’à un trou grillé par lequel il envoya, en le modulant bassement, son cri de chouette pour avertir Vinel-Aunis qui l’entendit, et doucement débarricada la porte.

— Et Des Touches ? lui fit M. Jacques. Mais Vinel-Royal-Aunis donna à M. Jacques le froid de la défaite, en lui racontant comment la geôlière lui avait échappé et comment