Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

couverts abandonnés, ne se sentait plus invulnérable quand il passait auprès de Julie la Gamase, cette pauvresse qui l’apostrophait avec furie, dès qu’elle l’avisait sur les routes, et dont il entendait longtemps encore, alors qu’il l’avait dépassée, s’enrouer derrière lui les tutoiements et les imprécations.

Il souffrait… À quoi donc tenait cette souffrance ?… Et elle, d’où venait aussi la folie de sa rage contre Sombreval ?…

Elle n’avait rien de personnel à lui reprocher… Au temps jadis, elle l’avait vu prêtre, correct et imposant, qui lui donnait gravement sa pièce de monnaie, quand elle le rencontrait, son livre noir sous le bras, entre Taillepied et la Blauderie, et cela pour elle aurait dû être un bon souvenir : mais ce souvenir se perdait, sans doute, sous l’amoncellement des affreux ouï-dire qui s’entassaient sur Sombreval, depuis qu’il avait abjuré.

Ce n’était pourtant pas une fille religieuse que Julie la Gamase. Elle ne l’avait jamais été. On l’appelait universellement une créature de mauvaise vie, et l’on disait que son jeune temps avait été aussi hideux que sa vieillesse. Quoique laide et scrofuleuse, le menton éternellement cerné de quelque bandelette, elle n’en avait pas moins tenté la fantaisie d’on ne savait trop quel habitant crapuleux du bourg de S…,