Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/37

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flacons et dans leurs fioles, sur leurs tablettes d’ébène, toutes ces substances de mort et de vie, tous ces poisons et tous ces philtres aux couleurs variées, qui sont la base de la couleur elle-même, sur la palette des Rubens et des Tintoret !

— Je sais, continua Sombreval, — pourquoi vous êtes venu, monsieur le curé. La grande Malgaigne, qui m’a servi de mère pendant mon enfance, a pour ma fille l’amour qu’on a pour la fille de son enfant ; et c’est elle qui vous envoie à moi, dans l’intérêt de cette enfant, si chère à tous les deux…

— Oh ! dites à tous les trois, monsieur, interrompit l’abbé. Je suis aussi le père de mademoiselle Calixte, le père spirituel de cette âme chrétienne. Et, quoique vous ayez préféré à cette paternité celle de la nature, vous avez su, un jour dans votre vie, combien elle est aussi puissante ! Pardon ! ajouta-t-il avec la frêle rougeur aux pommettes que la peur de la peine étend sur les joues des êtres délicats, quand ils touchent à des sujets blessants, — pardon de réveiller des souvenirs… pénibles, mais, puisque vous savez pourquoi je suis venu ici, vous comprendrez que je ne puisse me dispenser de toucher à ces malheureux souvenirs. Est-ce que, si vous n’étiez pas ce que vous êtes, j’aurais à vous dire et à vous apprendre ce que je dois