Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/49

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le traversant de ce regard que, dans toute cette entrevue, il lui avait épargné.

— Moi ! — dit en se levant, surpris de la question, ce pauvre curé dont la surprise montrait la modestie. Hélas ! monsieur, je n’ai jamais cru à l’efficacité des conseils, et cependant on les doit à qui les demande. Le conseil, c’est ce qu’on ferait soi-même. Eh bien ! ce que je ferais à votre place, monsieur ? Je me séparerais de ma fille.

— Ah ! — fit Sombreval qui tressauta, puis resta rigide, comme s’il avait été cloué sur place par un couteau.

— C’est cruel, je le sais, — fit gravement le prêtre, — mais, sur mon salut éternel, je ne crois pas que vous puissiez rester plus longtemps avec votre enfant dans cette solitude… Il faut répondre à la clameur de toute la contrée par un de ces faits contre lesquels il n’y a pas d’argument. Séparez-vous de votre fille, monsieur Sombreval, donnez-la à garder au Seigneur ! — Au Seigneur tout seul ! Mettez-la au couvent des Ursulines de Valognes. Vous irez la voir toutes les semaines, — deux fois par semaine, si le cœur vous fait par trop mal, mais vous la verrez au parloir, et sous les yeux d’une religieuse qui jugera de ce qu’est le père en vous. Une telle séparation sera une réponse.

L’opinion du pays en sera bientôt transfor-