Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/51

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jours ? Qui me l’empêchera de mourir, cette faible enfant, dont je porte la vie, comme on porte de l’eau, toujours près de tomber par terre, dans sa main ?…

— Ah ! monsieur, — fit le curé, qui finissait, comme Néel, par admirer un tel père, même dans un tel homme, et qui avait sa grande foi pour répondre à tout, — si jamais vous aviez ce courage, allez et ne soyez pas en peine ! C’est Dieu lui-même qui prendrait soin de votre enfant. Ce Dieu des Forts aime l’héroïsme, et Calixte serait sauvée…

Mais il s’interrompit en voyant sur les lèvres de Sombreval ce que Calixte appelait son mauvais sourire.

L’ironie de son impiété revenait tout à coup à cet homme, jusque-là si désarmé et si peu amer.

Ce ne fut que le temps d’un éclair. Touché de ce qui se passait dans cette admirable sensitive de prêtre, qui saignait plus, quand il touchait les autres, que quand les autres l’avaient blessé, Sombreval eut bientôt effacé son méchant sourire, et, redevenu sérieux et cordial :

— Monsieur le curé, — lui dit-il, — je vous connais, et quoique mon respect, à moi, soit peu de chose pour vous, je vous respecte pourtant autant qu’un homme puisse respecter un