Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/223

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émerge de sa guitoune, tel un ramoneur d’une cheminée.

Il sort, apparaît, masse grise, comme de la nuit dans le soir.

— T’en fais pas, j’en aurai, déclare Blaire d’un accent où se concentrent la fureur et la résolution.

Il n’y a pas longtemps qu’il est cuisinier, et il tient à se montrer à la hauteur des circonstances difficiles dans l’exercice de ses fonctions.

Il a parlé comme parlait Martin César, du temps qu’il existait. Il vit à l’imitation de la grande figure légendaire du cuisinier qui trouvait toujours du feu, comme d’autres, parmi les gradés, essayent d’imiter Napoléon.

— J’irai, s’il le faut, déboiser jusqu’à l’os la camigeotte du poste de commandement. J’irai réquisitionner les allumettes du colon. J’irai…

— Allons chercher du feu.

Poupardin marche en tête. Sa figure est ténébreuse, pareille à un fond de casserole où, peu à peu, le feu s’est imprimé en sale. Comme il fait cruellement froid, il est enveloppé de toutes parts. Il porte une pelisse moitié peau de bique et moitié peau de mouton : mi-brune, mi-blanchâtre, et cette double dépouille aux teintes géométriquement tranchées le fait ressembler à quelque étrange animal cabalistique.

Pépin a un bonnet de coton si noirci et si luisant de crasse que c’est le fameux bonnet de coton en soie noire. Volpatte, à l’intérieur de ses passe-montagnes et lainages, ressemble à un tronc d’arbre ambulant : une découpure en carré présente une face jaune, en haut de l’épaisse et massive écorce du bloc qu’il forme, fourchu de deux jambes.

— Allons du côté de la 10e. Ils ont toujours ce qu’il faut. C’est sur la route des Pylônes, plus loin que le Boyau-Neuf.

Les quatre magots effrayants se mettent en marche, tel un nuage, dans la tranchée qui se déploie sinueuse-