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lutter contre les erreurs et les préjugés accrédités sur le terrain économique, il les poursuivait aussi sur le terrain théologique : il était l’implacable ennemi du fanatisme. En 1774, il avait publié, à l’adresse d’un certain abbé Sabattier, auteur d’un Dictionnaire des trois siècles — qui n’était qu’une longue diatribe contre la philosophie et les philosophes — un écrit intitulé : Lettres à M. l’abbé Sabattier de Castres par un théologien de ses amis, qui parut si piquant qu’il fut généralement attribué au patriarche de Ferney, mais qui était si audacieux que celui-ci, tout en le louant, crut devoir décliner cette paternité dangereuse. Condorcet, que Voltaire ne savait pas être l’auteur de cet écrit, dût être bien flatté du jugement que Voltaire lui exprimait à lui-même (20 août 1774), d’autant plus qu’il ne pouvait soupçonner Voltaire de vouloir le flatter. « Il y a dans la Lettre d’un théologien, lui écrivit Voltaire, des plaisanteries, des morceaux d’éloquence digne de Pascal ». Éloge exagéré peut-être, quoiqu’il y eut réellement une piquante ironie et une véhémente éloquence, mais qui prouve au moins que, si Voltaire en déclinait la paternité, ce n’était pas que son amour-propre souffrit de ce qu’on le lui attribuait.

Manque les pages 7 et 8 du MS.

À l’époque où nous ont conduit les travaux que nous venons de passer en revue, Condorcet, déjà secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, fut admis à l’Académie française (1782). Je note cette circonstance parce qu’elle n’avait pas seulement la valeur d’un titre honorifique, décerné à un homme de lettres, mais qu’elle était une victoire pour la philosophie et qu’elle donnait à Condorcet une position analogue à celle qu’occupait