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II


MALLARMÉ


1. Son esthétique : le procédé évocatoire. — 2. L’art de composer. — 3. L’art d’écrire. — 4. Du vers. — 5. De la syntaxe. — 6. Du style.

1. Verlaine avait fait de la spontanéité le principe de toute poésie. Il avait prouvé qu’il suffisait au poète de suivre son instinct égoïste ou supérieur et d’enregistrer ses émotions sentimentales pour réaliser l’œuvre poétique. Pressé de formuler son esthétique, il avait indiqué des formules pratiques, nullement impératives, qui résumaient les moyens empiriques de retrouver ou d’acquérir le naturel. Au fond, il sentait que la spontanéité ne se codifie pas. Le génie s’exprime en dehors des règles. La grande norme était pour lui de suivre sa nature et son symbolisme n’était en définitive que le retour d’un raffiné au naturel et à la simplicité. Tout autre est pour Mallarmé le principe de la vraie poésie. Transfuge du Parnasse comme Verlaine, il gardera la religion de la forme, mais il transformera la poétique établie par ses devanciers. Après avoir sacrifié lui-même aux dieux qu’à ses débuts littéraires il honorait de son admiration, il sera précisément élu par la jeunesse non plus pour ce qui peut en ligne directe le rattacher à l’école de Gautier, de Banville et même de Baudelaire, mais pour ce qui l’en distingue, pour ce qui dans ses théories comme dans son œuvre caractérise son originalité de novateur [1]. Que préconise donc Mallarmé ?

A l’émotion sentimentale, juge-t-il d’abord, le pur poète doit substituer l’émotion intellectuelle car la sensation ou le

  1. Cette originalité intéresse évidemment seule une histoire du symbolisme. C’est pourquoi je n’ai pas cru nécessaire d’attirer l’atten-