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INTRODUCTION

raire, prompt à écouter les conseils dangereux ; il condamne l’innocence. C’est l’homme tel qu’il appartient à l’histoire, et nullement le héros des poèmes chevaleresques, qui lui prêteront « un beau corps, un cœur franc, » et qui le surnommeront pour cette raison, « le Grand[1]. »

Cependant nous avons des monuments poétiques dont il est impossible de constater la date, au moins par les moyens précédemment indiqués ; je veux parler des chants qui appartiennent à cette portion de toute poésie populaire qui traite du monde invisible et de ses habitants, dans leurs rapports avec les humains. Nous verrons bientôt si on peut parvenir à leur assigner une date probable, en recourant à d’autres moyens ; mais il nous semble nécessaire d’étudier d’abord leurs mystérieux acteurs.


VI


Les principaux agents surnaturels de la poésie populaire de Bretagne sont les fées et les nains.

Le nom le plus commun des fées bretonnes est Korrigan, qu’on retrouve, bien qu’altéré par une bouche latine, sous celui de Garrigenæ, dans une des éditions de Pomponius Mela, et presque sans altération sous celui de Koridgwen, dans les poëmes des anciens bardes gallois. Chez l’écrivain latin, il désigne les neuf prêtresses ou sorcières armoricaines de Sein ; chez les poëtes cambriens, la principale des neuf vierges qui gardent le bassin bardique.

Ce nom semble venir de korr, petit[2], diminutif korrik, et de gwen ou gan, génie[3].

  1. Gent ot le cors é franc le cuer,
    Pur cou ot nom Graalent-muer.

    (Roquefort, t. I, p. 487.)
  2. Arm. kor. ; gall. corr. ; féminin, corres ; cornique cor ; gaëlic gearr en grec ϰόρος (cf. ϰουραί, les nymphes, et ϰούρητες), lat. curtus, franç. court, autrefois cort.
  3. Il signifie encore ingénieux en breton, et s’y retrouve dans gan-az, astucieux, dans gwazik-gan et Mor-gan, comme dans le nom gallois Gwen-dydd, en lat. du moyen âge Ganieda. (Cf. Canidia, genius, ganna, geniscus, geniciales feminæ.) Il correspond à l’alp germanique, d’où les elfes ou fées.