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1603. septembre.

assés mal le lieutenant, nommé Petoncourt, brave gentilhomme ; et ayant esté envoyé pour garder le Blancmesnil par mon pere, estant, pendant son sejour, devenu amoureux d’une jeune demoyselle quy estoit refugiée au Blancmesnil avec sa mere, il l’enleva, sous asseurance de l’espouser, et en ayant jouy quelque temps, en fit jouir plusieurs autres, et puis la renvoya : ce quy estant venu a la connoissance de feu mon pere, il tascha de le faire attraper ; mais luy, avec une dousaine des gardes de feu mon pere, rodait la campaigne, et estant venu proche d’Amiens, logea a une maison du mayeur[1], proche de la ville, en laquelle le feu se prit ; le mayeur ayant fait sortir quelques gens pour esteindre le feu, [ils] trouverent Rosworm qu’ils prindrent, dont mon pere estant adverty, le mit au reicht[2] pour luy faire trancher la teste : ce quy eut esté executé sy Mr de Vittry, mestre de camp de la cavalerie legere, a quy il avoit connoissance, et luy avoit fait quelque service, ne luy eut donné moyen de se sauver. Depuis ce temps la, comme il estoit brave homme et eut suyvy les armées, il estoit parvenu a cette grande charge ; et s’estoit de telle sorte desclaré nostre ennemy, que l’on eut quelque avis qu’il nous avoit voulu faire assassiner a Ingolstat : de quoy feu mon pere ayant fait plainte au duc de Bavieres quy luy avoit donné la conduitte de son regiment, il luy en osta cette année là la commission, ce qui l’anima d’autant plus contre mon dit pere

  1. Le mayeur, ou maire d’Amiens.
  2. Au recht, c’est-à-dire, à la justice, au jugement.