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journal de ma vie

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Rosworm me cria : « Mon frere, sauve quy peut ! sy vous tombés, ne vous attendés point que je vous releve ; car chascun doit songer a soy. » Nous courions assés viste ; mais une pluie de pierres nous incommodoit grandement, dont l’une ayant donné par les reins du Rosworm le porta par terre ; et moy, pour ne faire ce qu’il avoit dit qu’il me feroit, le relevay, et l’aiday vingt pas, au bout desquels nous trouvasmes heureusement nostre carrosse, auquel nous estans jettés nous fismes toucher jusques a ce que nous fussions en seureté dans la Vielle-Ville, estans eschappés des pattes de plus de quattre cens personnes.

Le jour d’apres, 24e de janvier, le Rosworm me fit obtenir l’antichambre de l’empereur, quy est un lieu reservé aux fort grands seigneurs et princes, en laquelle je me trouvois de deux jours l’un : et cinq ou six jours apres, jouant a la paulme contre le grand Walestein[1], quy faisoit la charge de grand chambellan de l’empereur depuis la mort de Peter de Mollart, decedé depuis huit jours, l’empereur nous vint voir jouer a travers d’une jalousie quy estoit en une fenestre quy regardoit sur le jeu de paume, et y demeura longtemps ; et le lendemain matin, comme j’estois en son antichambre, il me fit appeler pour luy faire la reverence, ou il me traitta fort benignement,

  1. Albert Venceslas Eusèbe, comte de Waldstein ou Wallenstein en Bohême, fils de Guillaume de Waldstein et de Marguerite de Smirtitz, né en 1583, devint, dans la guerre de Trente ans, généralissime des armées impériales et duc de Friedland. Cet homme célèbre fut tué à Egra le 25 février 1634 (15 février, vieux style), par ordre de l’empereur Ferdinand II.