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journal de ma vie

m’assister puis que son frere m’avoit blessé, y estoit la plus part du temps. Ma sœur de Saint-Luc, quy coucha toujours au pié de mon lit, tant que je fus en danger, recevoit les dames : et le roy, hormis le lendemain de ma blesseure, vint toutes les apres disnées me voir, et en partie aussy pour y voir les bonnes compagnies. En fin je sortis le seisieme jour ; mais j’avois toujours une tente dans le ventre. Plus de trois semaines apres on me portoit dans une chaise ; car je n’avois nul affermissement sur le costé droit, et allois a potence jusques apres que ma blesseure fut fermée, que je m’appuyois sur un baston, ayant toujours un grand fremissement en toute la cuisse et jambe droitte.

Avril. — Peu de jours apres Paques de la mesme année, en tirant mon mouchoir dans le cabinet du roy, je laissay tomber une lettre d’Antragues que Sardini releva, et le marquis de Cœuvres luy ayant dit qu’elle estoit a luy, il luy donna, lequel la montra au roy, et puis demanda a me parler la nuit, devant l’hostel de Soissons, seul : il y mena neammoins le comte de Cramail, et apres m’avoir reproché quelques mauvais offices qu’il disoit que je luy avois rendus, me dit que l’estime qu’il faisoit de moy, et le desir qu’il avoit d’acquerir mon amitié eternelle, l’avoit fait resoudre a me servir plustost que de me nuire en cette presente occasion ; et qu’ayant trouvé une lettre qu’Antragues m’escrivoit, sans s’en prevaloir d’aucune sorte, il venoit de la renvoyer par Sardiny a Antragues mesme ; et qu’il me prioit que, par ce soin qu’il avoit pris pour moy, je luy rendisse desormais des preuves d’une reciproque amitié. Lors moy,