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journal de ma vie.

du matin (a mon avis parce qu’il avoit lors envoyé par La Varrenne la lettre au roy). Il[1] y retourna, et ils demeurerent d’accord qu’il porteroit luy mesme a neuf heures la lettre a Antragues : ce que j’accordai, resolu neammoins de me battre avec ce chicaneur ; mais je voulois auparavant sortir Antragues d’interest. Le marquis luy porta, comme il avoit promis, et Antragues m’escrivit pour me prier que je fusse amy du marquis, et que je me trouvasse au logis d’elle sur les cinq heures du soir, ou il viendroit aussy, et qu’elle vouloit que nous nous promissions devant elle une reciproque amitié.

Comme je voulois sortir de mon logis, Mr le Grand y arriva, quy me dit qu’apres avoir habillé le roy, il luy avoit commandé de me venir trouver pour me deffendre de sa part, sur peine de la vie, de n’avoir rien a demander au marquis, et que je l’offenserois sy je le faisois. Je luy respondis que je m’estonnois pourquoy il me faisoit cette deffense, veu que je n’avois rien a demander au dit marquis ; et qu’il m’estoit bien aysé d’obeir au commandement du roy.

Je m’en vins au Louvre, resolu de laisser passer deux ou trois jours sans rien dire au marquis, et de le quereller, puis apres, sur quelque autre sujet, mais en toute façon me battre avec luy ; et ainsy le conclumes Crequy et moy, quy me fit promettre de me servir de luy en cette affaire. Mais comme je revins disner a mon logis avec plusieurs de mes amis, Le

  1. Il, c’est-à-dire : Créquy.