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1605. avril.

Terrail[1] y arriva, quy me dit qu’estant allé pour voir le marquis de Cœuvres, on luy avoit dit qu’il n’y estoit pas ; mais que, s’il y venoit de ma part, que l’on luy feroit voir : ce quy luy faisoit croire qu’il y avoit quelque chose a desmesler entre nous deux. Allors je dis a Mr de Crequy qu’il n’y avoit plus lieu de patienter, et qu’il l’allat appeller de ma part. Nous sortimes donc en cachette, Crequy et moy, quy me mena derriere le faubourg Saint-Germain, et puis alla querir le marquis. Mais il fit tant de refuittes, que Cramail, quy parloit a Crequy de sa part (car il ne luy voulut jammais parler luy-mesme), l’entretint d’excuses jusques au soir ; et cependant ils avertirent le roy, et l’on me vint prendre ou j’estois, et on me donna des gardes ; puis le lendemain on nous accorda, et ne voulus autre contentement que celuy du recit de tout ce quy s’estoit passé, quy nous avoit empeschés de nous battre.

Le roy me fit deffendre de venir au Louvre, ny me trouver ou il seroit, disant que je l’avois offensé d’avoir fait appeller le marquis apres les deffenses qu’il m’en avoit fait faire. Je ne me mis gueres en peine de ne pouvoir voir le roy, de quy je n’estois pas satisfait ; et comme, peu de temps apres, il alla a Fontainebleau, je demeuray a Paris a passer mon temps. Mais parce que son indignation s’estendoit aussy bien sur mon cousin de Crequy que sur moy, et qu’il devoit prendre possession du regiment des

  1. Louis de Comboursier, seigneur du Terrail, eut la tête tranchée à Genève, en 1609, pour entreprise contre cette ville.