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journal de ma vie.

Tours, entre les mains de Mr  le garde des sceaux de Silleri[1]. Je le trouvay qu’il se promenoit en un jardin, avesques quelques mestres des requestes, quy revenoint avesques luy. Il me dit : « Monsieur, vous voyés un homme quy s’en va chercher une sepulture a Paris. J’ay servy les rois tant que j’ay peu le faire, et quand ils ont veu que je n’en estois plus capable, ils m’ont envoyé reposer, et donner ordre au salut de mon ame, a quoy leurs affaires m’avoint empesché de penser. » Il me respondit aussy quelque temps apres, que je luy disois qu’il ne laisseroit pas de servir encores, et de presider aux conseils comme chancelier : « Mon amy, un chancelier sans sceaux est un apothicaire sans sucre. »

J’arrivay ce mesme soir a Orleans, ou j’y trouvay la reine quy revenoit de Tours, sa grossesse l’ayant empeschée de suyvre le roy a Limoges. Elle me donna des lettres pour le roy, et me commanda de luy dire et faire des plaintes de madame de Guiercheville[2], quy n’avoit voulu attendre mesdames les princesse

  1. Nicolas Brulart, seigneur, puis marquis de Sillery, fils aîné de Pierre Brulart, seigneur de Berny, et de Marie Cauchon, dame de Sillery et de Puisieux. Créé garde des sceaux en 1604, il n’en fut mis en possession qu’à ce moment. Il fut chancelier de France après Pomponne de Bellièvre, et mourut le 1er octobre 1624.
  2. Antoinette de Pons, marquise de Guercheville, fille d’Antoine, sire de Pons, et de Marie de Montchenu, dame de Guercheville, fut mariée : 1o à Henri de Silly, comte de la Rocheguyon ; 2o à Charles du Plessis, seigneur de Liancourt, et mourut en 1632. L’honnêteté de ses mœurs, proclamée par Henri IV, n’excluait pas chez elle la crudité de l’expression, comme le prouve le motif qu’elle alléguait pour ne pas s’appeler Mme  de Liancourt. Elle était dame d’honneur de la reine.