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journal de ma vie

estois. Je demanday deux ou trois fois congé au roy pour m’y en aller ; mais parce que je gaignois son argent au jeu, et que le jeu se romproit par mon absence, il ne me vouloit permettre de m’en aller (mars). En fin je le fus trouver a Chantilly : il me dit qu’il ne me diroit point adieu, et moy, m’inclinant, luy dis que sy ferois bien moy, et ainsy m’en allay. Il me fit dire que je ne luy avois point dit adieu, apres qu’il fut couché, et que je ne m’en allasse pas. Mais moy quy perdois le temps des estats de Lorraine, m’en allay le matin a Paris, et rencontrant Mrs  d’Esguillon et de Boullon par les chemins, les priay de ne pas dire au roy qu’ils m’eussent rencontré ; mais eux, malicieusement, luy dirent des qu’ils furent arrivés a Chantilly.

Allors le roy envoya deux exempts de ses gardes, Saint-Georges et Du Puis avesques commandement au provost de Meaux pour les assister a me prendre en passant ; ce quy leur fut aysé de faire, car j’y arrivay le soir au giste. J’envoyay, la nuit mesme, le jeune Guittaut au roy, et escrivis a Mr  de Villeroy, lequel manda aux dits exempts et provost qu’ils me laissassent aller, pourveu que ce fut pour venir trouver le roy ; ce que je fis. Il se moqua de moy quand il me vit, et me dit que j’avois veu, par le bon ordre qu’il avoit donné pour me prendre, que l’on ne partoit pas de son royaume sans son congé ; qu’il vouloit que je demeurasse encor dix jours avesques luy, au bout desquels il me promettoit de me donner congé, et que mon sejour ne me seroit point infructueux : car pendant ce temps la il accorda avec moy cette grande affaire que j’avois pour les domaines de Saint-Sauveur, lesquels je luy rendis, et luy la somme entiere de