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journal de ma vie.

qu’il devoit preferer ce parti a un plus grand a cette occasion ; et que s’il le perdoit, qu’il ne pourroit plus se marier, parce que le roy ne luy souffriroit point de se marier hors de France, et qu’en France il n’y avoit plus que Mlle du Maine a marier, a quoy le roy ne consentiroit jamais : de sorte qu’il esbranla son esprit a consentir qu’il en parlat de sa part a monsieur le connestable, auquel j’avois desja donné avis que Mr de Boullon me vouloit traverser. Mais monsieur le connestable me dit que je ne me devois pas mettre en peine de cela ; que quelque parti que l’on luy proposat, il le refuseroit, et qu’il connoissoit trop bien l’esprit de Mr de Boullon pour s’y laisser seduire. Aussy luy respondit il fort aigrement lors qu’il luy en parla, et luy dit que sa fille n’estoit point a chercher party, puis qu’elle en avoit un tout trouvé, et qu’il avoit l’honneur d’estre grand oncle de Mr le Prince, ce quy luy suffisoit.

Pendant la goutte du roy, il commanda à Mr le Grand de veiller une nuit pres de luy, Gramont une autre nuit, et moy une autre, et nous relayer ajnsy de trois en trois nuits durant lesquelles, ou nous luy lisions le livre d’Astrée quy lors estoit en vogue[1], ou nous l’entretenions lors qu’il ne pouvoit dormir, empesché par son mal. C’estoit la coustume que les princesses le venoint voir, et madame d’Angoulesme plus privement que pas une : le roy en estoit bien ayse, et entretenoit sa niece quand madame d’Angoulesme parloit a quelqu’un de nous, luy disant qu’il la vouloit aymer

  1. Voir à l’Appendice. XIII.