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journal de ma vie.

fiança sa maitresse (avril)[1]. J’estois un matin cheux le roy, qu’il vint me dire, comme a plusieurs autres : « Monsieur de Bassompierre, je vous prie de vous trouver cette apres disnée cheux moy, pour m’accompagner au Louvre a mes fiançailles. » Le roy quy le vit parler a moy, me demanda ce qu’il m’avoit dit : « Une chose, Sire, luy respondis je, que je ne feray pas. » « Et quoy ? » dit il. « Que je l’accompaigne pour se venir fiancer. N’est il pas assés grand pour y aller tout seul, et ne se sçauroit il fiancer sans moy ? Je vous responds que, s’il n’a d’autre accompagneur que moy, il sera fort mal suyvi. » Le roy dit qu’il vouloit que je le fisse, et moy luy respondis que je luy suppliois tres humblement de ne me le point commander, car je ne le ferois pas ; que Sa Majesté se devoit contenter que j’avois abandonné ma passion au premier de ses desirs et de ses volontés ; qu’elle s’en devoit contenter, sans me vouloir forcer d’estre mené en triomphe, apres m’avoir ravy ma femme pretendue et tout mon contentement. Le roy, quy estoit le meilleur des hommes, me dit : « Je vois bien, Bassompierre, que vous estes en colere ; mais je m’asseure que vous ne manquerés pas d’y aller, quand vous aurés consideré que c’est mon neveu,

  1. C’est sans doute par erreur que Bassompierre a placé la date de mars à côté de la demande en mariage, et celle d’avril à côté des fiançailles ; ces deux actes durent être accomplis en février, puisqu’ils précédèrent le duel de Bassompierre, et sa maladie, après laquelle il reparut le mardi gras, c’est-à-dire le 3 mars de cette année. Le contrat, dont l’auteur ne parle pas, fut passé le 2 mars, dans la galerie du Louvre, et expédié le 3, à l’hótel de Montmorency.