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1609. juillet.

donc disner avec luy, et sa femme et ses enfans, ou il fit au reingraf et a moy tout bon accueil. Apres disner il nous entretint encores quelque temps, et nous pria fort de demeurer quelques jours a la chasse avesques luy, dont nous nous excusames ; et en prenant congé de luy, feignant de luy faire des compliments, affin que le reingraf ne s’en aperceut pas, je luy dis que j’avois a luy parler de la part du roy secrettement, et que je le suppliois tres humblement qu’il me renvoyat querir, feignant de me vouloir donner quelque commission pour Sa Majesté ; ce qu’il fit tres accortement : car apres nous avoir conduits jusques a la porte de la salle, comme il se fut desja retiré pour s’en aller, il se retourna tout court, et me cria : « Monsieur de Bettstein, j’avois oublié de vous demander sy vous vous achemineriés bientost en France, apres vostre retour en Lorraine. » Et comme je luy eusse dit que je m’y en irois aussytost, il me dit : « Me voudriés vous bien obliger de vous vouloir charger d’une affaire que j’ay avec S. M, et tascher de m’en sortir ? Je vous en serois infiniment redevable ; » et, luy ayant asseuré que je tiendrois cette commission a honneur, « Je vous prie donc de vouloir venir en ma chambre, tandis que le reingraf ira voir et entretenir sa chere sœur. » Je le suyvis, et, estans demeurés seuls, je luy donnay la lettre que le roy luy escrivoit en creance sur moy, et luy dis en suitte que le roy m’avoit commandé de le voir sur l’accident depuis peu arrivé par la mort du duc de Cleves, tant pour recevoir de luy quelque bon conseil et avis de la façon qu’il s’y devoit comporter pour empescher l’aggrandissement de la maison d’Austriche, quy luy