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journal de ma vie.

estoit sy prejudiciable, comme aussy de sçavoir de luy quelle part il voudroit prendre en cette affaire (quy ne luy importoit pas moins qu’a S. M), en cas qu’elle voulut se desclarer ouvertement pour s’opposer a l’invasion que l’empereur, ou le roy d’Espaigne, voudroint faire des estats de Cleves et de Julliers, soit sous ombre de protection, de sequestre, ou autrement.

Il me respondit sur le champ qu’il rendoit graces tres humbles a S. M de l’honneur qu’il recevoit par sa lettre et par ma legation ; que sa prudence n’avoit point besoin de conseil, ny son pouvoir d’aucune assistance ; neammoins qu’il luy diroit que la chose principale a quoy le roy avoit a songer, n’estoit pas seulement d’empescher l’agrandissement de la maison d’Austriche, mais encores d’amoindrir sa puissance, laquelle, pendant sa vie, ne luy pourroit pas nuyre ; mais apres sa mort, sy elle rencontroit des successeurs moins sages, et moins genereux que luy, elle pourroit causer la ruine de la France ; que quand Sa dite Majesté voudroit fermement s’employer a cette œuvre, elle se pouvoit asseurer de sa personne, de ses estats, de ses moyens et de sa vie, pour les employer a son service ; mais que ce seroit peu de chose de luy seul en Allemaigne, sy d’autres princes, touchés de mesmes interets, ne se conjoignoint a mesmes desseins, et qu’il osoit donner ce conseil au roy de faire pareillement rechercher messieurs l’electeur palatin et autres princes de la mesme maison, Mr le marquis d’Anspach[1], quy estoit un tres brave et gentil

  1. Joachim-Ernest, margrave d’Anspach, fils de Jean-Georges,