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journal de ma vie.

dame la princesse de Conty qu’elle en avisat mon homme, ce qu’elle fit ; et luy, sur cet avis, bailla a un messager qu’il connoissoit toutes les lettres qu’il avoit a porter, lequel les luy rendit apres a Saint-Disier. On avoit fait rapport au roy que mon dit vallet me portoit des lettres de bonne part (aussy faisoit il, et de diverses personnes) ; mais il fut habile. Ce quy mit plus en peine le roy, fut qu’il m’avoit escrit, et on ne trouva jammais sa lettre sur mon homme, a quy il l’avoit donnée ; de sorte qu’il se douta bien qu’il avoit envoyé son paquet par une autre addresse, parce que je luy rendis response de sa lettre. En fin il me nia toujours qu’il eut fait destrousser mon homme, et m’en voulut faire soubçonner des personnes quy n’y avoint pas pensé.

Ce jour mesme la reine me parla d’une affaire de grande consequence, en laquelle je la servis adroittement, et selon ses intentions.

Trois jours apres, quy fut le 12me de septembre, j’eus une bonne fortune.

Je me souviens qu’en ce temps la, comme le roy prit un jour medecine, il se promenoit apres disner dans sa galerie : Mr  de Boullon entama un discours de la grandeur de l’Espaigne, de sa visée a la monarchie, a laquelle elle s’acheminoit a grands pas, sy tous les autres princes chretiens ne s’unissoint ensemble pour l’en empescher, et que, sans les Hollandois, elle y seroit desja parvenue ; que la treve que le roy avoit mesme aydé a faire entre le roy d’Espaigne et eux, estoit grandement profitable a l’Espagnol, dommageable a eux, et au roy ; que, finalement, le roy devoit, de toute sa puissance, procurer l’aggrandissement des