Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
journal de ma vie.

que l’on l’eut mieux conseillé, et qu’il devoit avoir moderé son ardeur. Le roy luy dit en colere : « Ce n’est pas ce que je vous demande, Monsieur le chancelier, c’est vostre avis. » Allors il dit qu’il falloit faire de bonnes et fortes declarations contre luy, et tous ceux quy le suyvroint, ou donneroint ayde, soit d’argent, soit de conseils.

Comme il disoit cela, Mr  de Villeroy entra, et le roy, impatient, luy demanda son avis, apres luy avoir dit la chose. Il haussa les espaules, et montra d’estre bien estonné de cette nouvelle, puis dit qu’il falloit despescher a tous les ambassadeurs du roy vers les princes estrangers pour leur donner avis du depart de Mr  le Prince sans permission du roy et contre sa deffense, et pour leur faire faire les offices necessaires aupres des princes ou ils residoint pour ne le retenir en leurs estats, ou le renvoyer a Sa Majesté.

Mr  le president Jannin[1] estoit venu en compagnie de Mr  de Villeroy, a quy le roy demanda aussy son avis. Il luy dit, sans hesiter, que Sa Majesté devoit incontinent despescher un de ses capitaines des gardes du corps apres, pour tascher de le ramener, et en suitte cheux le prince aux estats duquel il seroit allé, le menacer, au cas qu’il ne luy remit entre les mains, de luy faire la guerre : car, a son avis, son depart n’a point esté premedité, ny [il] n’a point fait faire d’office

  1. Pierre Jeannin, né en 1540, mort le 31 octobre 1622. Il avait été président à mortier au parlement de Dijon. Chargé, sous Henri IV, de négociations diplomatiques dont il a laissé la relation, il fut, sous Louis XIII, contrôleur général des finances.